liberté d'expression constitution usa

     En France, la liberté d’expression est encadrée par tellement de réserves et d’exceptions que c’est quasiment la liberté d’expression elle-même qui est une exception. Même les déclarations qui se veulent humoristiques ou provocatrices, les jeux de mots, les sous-entendus, les allusions involontaires voire inconscientes, ou de simples tweets, font régulièrement scandale et sont l’objet de prises de position politiques opportunistes, de poursuites pénales grotesques et de débats d’interprétation interminables dans les tribunaux, s’achevant sur des décisions incompréhensibles et en contradiction les unes avec les autres.

     Seuls l’image, le dessin, les arts visuels en général, échappent à la règle. Trop difficiles à interpréter, les créations graphiques sont l’unique domaine où l’État-Providence a entièrement renoncé à surveiller et punir. La liberté y est quasiment absolue, on s’y engouffre avec autant d’énergie, d’excès, voire de caricature, que cette liberté nous est refusée dans tous les autres domaines. Et on ne réalise pas, alors, à quel point on a raison de descendre en masse dans les rues, pour clamer d’une manière obsessionnelle et angoissée que si on nous retirait cette liberté-là, c’est bien toute notre liberté qu’on nous aurait retirée…

 

     Le premier amendement de la constitution des États-Unis (voir également l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme) défend une liberté d’expression bien plus réelle :

Le Congrès ne fera aucune loi relative à l’établissement d’une religion, ou à l’interdiction de son libre exercice ; ou pour limiter la liberté d’expression, de la presse ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement ou d’adresser à l’État des pétitions pour obtenir réparation des torts subis.

     Non qu’il n’y ait pas quelques limites à la liberté d’expression même aux États-Unis, qui interdisent par exemple l’appel à la violence directe, le harcèlement ou la diffamation, mais tout point de vue peut être exprimé, quel qu’il soit, y compris (mais, bien évidemment, pas que) raciste, révisionniste, homophobe, sexiste, etc. Le retrait de l’État ne crée pas l’anarchie pour autant. Il permet d’une part la libre expression de chacun, et amène d’autre part la société à gérer par elle-même la multiplicité de ses expressions en se responsabilisant, en se questionnant et en débattant sur la notion de responsabilité, en s’auto-régulant, et en marginalisant naturellement les discours les plus excessifs ou abjects qui se perdent dans l’indifférence générale et n’ont, au final, aucun impact.

 

     C’est un modèle de société qu’on aura vite fait de recaler en invoquant la « différence culturelle » qui nous épargne facilement à chaque fois toute remise en question. Mais c’est surtout une notion de liberté d’expression beaucoup plus franche, qui implique la responsabilité de chacun dans l’usage de sa libre expression, et permet une société à la fois plus libre, et moins caricaturale dans ses moyens d’expression vraiment libres, vu qu’elle n’en a pas qu’un seul…

 

 

comment box eric bourdon

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    1 Commentaire

  1.      Moi

    Responsables pour être libres oui, or certains crient à la liberté en étant de beaux irresponsables…paradoxe qui prendra fin dans environ 3 siècles en France.





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