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William Vicats achetant une poivrière de luxe
Publié le 25-05-2020 par Eric Bourdon | Commenter
Catégorie(s) : Analyses, Peinture acrylique
William Vicats achetant à bon prix
une poivrière de luxe en ciment népalais
(Titre complet)
Peinture acrylique originale sur toile de lin
Dimensions du tableau : 73 x 60 cm
© Galerie du peintre Eric Bourdon
Lille, 2020
La poivrière de luxe de William Vicats n’est bien évidemment que le paradigme de l’esthétique contemporaine rapportée à la subtile expression de son étrangeté contextuelle post-moderne. Que William Vicats l’achète, sa poivrière de luxe, à bon prix ou à prix d’or, peu nous importe, pourvu qu’il l’achète : c’est le gage de sa valeur en tant qu’objet-phénomène face à l’investigation critique de la conscience de l’être-là.
Car en fait, une poivrière de luxe en ciment népalais, qu’est-ce donc ? Pour le commun il ne s’agit que d’un vulgaire ustensile de table. La très implicite dimension d’une quelconque transcendentalité herméneutique lui échappe entièrement, sa conscience n’y percevant qu’une occasion triviale d’éternuements incontrôlés. L’esthète au contraire y devine le parfum poivré d’un horizon anthropologique marqué par la fusion surprenante mais harmonieuse de la « science du beau » et des principes ontopoiétiques du goût tels que définis par la doctrine éclectique de l’école des théoriciens luxembourgeois du XVIIème siècle.
William Aspdin (1815-1864)
Inventeur anglais du ciment artificiel moderne « Portland »
Aussi largement connu comme
« un escroc et un indécrottable menteur »
Le ciment népalais n’est pas là par hasard. Il a bien évidemment une fonction réflexive. Le ciment est comme chacun le sait ce liant épatant et pratique formant avec l’eau une pâte homogène et plastique capable d’agglomérer en durcissant des substances variées dites « agrégats » ou « granulats » et d’agréger ainsi du sable fin ou des graviers, pour produire du mortier ou du béton. Mais au Népal, le ciment de piètre qualité n’offre qu’une résistance de façade aux séismes fréquents en raison de la subduction de la plaque indienne sous la plaque eurasiatique (à l’origine de l’élévation de l’orogène Himalaya).
Comment ne pas y percevoir alors une ironique résonance avec l’inaptitude ontologique contemporaine à modeler notre position existentielle à l’aide de jugements de valeur solides énonçant de façon certaine les normes générales du beau, lorsque le sol même des valeurs objectives platoniciennes, plotiniennes voire schopenhauériennes, se dérobent toutes ensemble sous nos pieds sous l’influence corrosive, notamment, de l’impitoyable critique nietzschéenne ?…
Raymond Farmer (9 ans) et son raton laveur de compagnie
(Freeport, Ohio, USA. Date inconnue)
Il est bien dit que William Vicats achètera finalement son ciment népalais, mais à bon prix et sous la forme d’une proivrière de luxe qui questionnera intelligemment la définition de l’utile et du beau dans une perspective convexe épousant élégamment les théories de Ferdinand de Saussure et du structuralisme tardif.
Acheter ou ne pas acheter ? William Vicats a pris sa décision. Quant à nous, la conclusion la plus sûre à laquelle nous pourrons aboutir est que si nous savons suspendre la pseudo évidence de l’objectivité de la poivrière de luxe en ciment népalais qui nous fait ignorer les formes de notre perception, nous découvrirons que les poivrières ne nous sont jamais données dans notre expérience sensible comme des objets d’achat ou de non-achat figés que nos sensations (ou celles de William Vicats) appréhenderaient dans leur totalité objective illusoire.
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