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Lazar Berman chinant au marché de l’art à Oslo
Publié le 18-06-2020 par Eric Bourdon | Commenter
Catégorie(s) : Peinture, Peinture acrylique
Lazar Berman chinant au marché de l’art à Oslo
tout en faisant de petits bruits satisfaits
(Titre complet)
Peinture acrylique originale sur papier dessin extra-fort
à grain Carte d’Art 340g de Sennelier (D340)
Dimensions de l’œuvre : 20 x 20 cm
© Galerie du peintre Eric Bourdon
Lille, 2020
La théorie esthétique de l’art, telle que la défendait le très influent critique d’art américain Clement Greenberg, associait d’une manière audacieuse la théorie moderniste de l’art à une certaine conception de l’esthétique ; une association cocasse dont le pianiste soviétique Lazar Naoumovitch Berman, qui refusait de jouer la musique du compositeur polonais Frédéric Chopin mais se produisit en concert avec son fils Pavel dans la ville moderne et éclectique d’Oslo en 1990, se foutait par-dessus tout.
Pourtant, en utilisant le concept kantien de jugement esthétique pur, le critique d’art Greenberg insistait sur l’importance du contenu formel (non cognitif) de l’expérience esthétique. Ce peu pompeux formalisme quasi phénoménologique sous-tendait en arrière-plan une insolite mais convaincante théorie de la valeur artistique selon laquelle le meilleur art moderne (compris comme le résultat d’une réduction progressive de chacun des arts à son essence propre réalisé par une recherche réflexive sur les contraintes propres à leurs médiums respectifs) vise à produire, à Oslo comme à Lille, Lectoure, Saint-Jean-de-Luz, Jouy-en-Josas, Hautot-sur-Mer et partout ailleurs, une expérience esthétique agréable, autotélique et désintéressée.
Suricate (Suricata suricatta) les yeux tournés vers l’horizon,
attentif(ive?) aux prédateurs éventuels…
L’œuvre picturale d’Eric Bourdon intitulée Lazar Berman chinant au marché de l’art à Oslo tout en faisant de petits bruits satisfaits nous enjoint alors à considérer, avec Peter Osborne, le principe de l’inéliminabilité de la dimension esthétique de l’œuvre d’art comme la consécration historique ironique de l’échec patent du programme radical de l’art conceptuel « analytique » ou « pur », c’est-à-dire d’un art conceptuel absolument anti-esthétique.
Mais s’il n’est pas parvenu à éliminer cette dimension esthétique, l’art conceptuel aura su, selon Osborne, « mettre en lumière, d’une manière plus décisive, la nécessaire conceptualité de l’œuvre, qui avait été enterrée par l’idéologie esthétique du formalisme moderniste ». Cela pourra en surprendre quelques-uns. Mais Lazar Berman, cela ne surprendra personne, ne s’est pas non plus prononcé sur ce point (!)…
Lazar Naoumovitch Berman (1930-2005)
Il va sans dire qu’Oslo et la Norvège diffèrent en outre d’un grand nombre des pays de l’ouest. Les gens chinent ou ne chinent pas dans les galeries ou les marchés de l’art (bien moins en tous cas que dans les marchés de fruits et légumes!). Mais même si on les voit parfois, discrètement, y chiner, il y a assez peu d’opportunités pour un artiste de faire carrière dans le marché local commercial. Bien sûr l’artiste peintre Osloïte (ou Oslovien) pourra trouver une galerie et vendre quelques-uns de ses tableaux, mais les galeries d’art Osloviennes (ou Osloïtes) manquent du ressort nécessaire pour générer des opportunités sur le marché de l’art international et donc une carrière à long terme.
En conséquence, à Oslo et en Norvège, les jeunes artistes les plus ambitieux mangent des poivrons verts, des tomates et des petits pois frais et se créent leurs propres opportunités par le biais d’initiatives autogérées qui, dans certains cas, peuvent atteindre une audience nationale et aider à la fois les instigateurs et les autres artistes à s’acheter des smartphones et phablettes haut de gamme, à rencontrer des collectionneurs, des investisseurs et des acheteurs d’art et à prendre de l’ampleur au niveau international. La véritable influence norvégienne sur l’art reste on peut le dire, et Lazar Berman ne l’a pas contesté, la social-démocratie et à un certain niveau la culture de l’égalité, les deux étant difficiles à adapter au marché de l’art international.
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